La crevette blanche du Pacifique est une espèce aquacole majeure dans le monde et sa production est en constante augmentation. Cependant, elle doit constamment faire face à d’importants épisodes de maladies. La maladie nécrotique hépatopancréatique aiguë (AHPND ou EMS pour syndrome de mortalité précoce) en est une. Plusieurs articles scientifiques rapportent déjà que les insectes sont une source de protéines adaptée pour nourrir les crevettes. Des effets positifs sur la santé des animaux sont également régulièrement signalés (Gasco et al., 2018). Il est donc pertinent d'explorer davantage les effets des ingrédients d'insectes sur les crevettes.
Au cours des dernières années, MUTATEC a réalisé près de 50 études applicatives. Trois d'entre elles ont été spécifiquement consacrées aux crevettes, dont les objectifs étaient d'évaluer les performances zootechniques des crevettes juvéniles (Penaeus vannamei) en remplaçant partiellement la farine de poisson de la formule par des ingrédients de BSF (Black Soldier Fly ou mouche soldat noire).
Deux d'entre elles ont été réalisés dans les installations d'IMAQUA (station expérimentale spécialisée dans la santé des crevettes, Belgique), l'une d'elles au CENAIM-ESPOL (Centre de Recherche en Équateur).
Selon les installations et les protocoles, l'inclusion de farine de poisson dans le groupe témoin (CTRL) s’est faite de 10 % à 15 %, les poids corporels moyens initiaux de 0,24 g à 3,40 g, la durée de l'essai jusqu'à 56 jours et le poids corporel final allant de 2,3 à 10,5 g.
Toutes les études suggèrent un impact neutre ou positif sur la performance de croissance, validant que remplacer la farine de poisson (dans un essai jusqu'à 100 %) par des insectes n'affecte pas négativement les performances. Cela atteste donc que les ingrédients à base d'insectes (dans notre cas, la farine d'insecte et les larves déshydratées) ont un profil d'acides aminés adéquat, une bonne appétence et une excellente digestibilité, et que le processus d'hygiénisation appliqué préserve la qualité des produits.
Dans les trois essais, un challenge AHPND a été réalisé individuellement à la fin des mesures de croissance, en inoculant Vibrio parahaemolyticus afin d'évaluer la capacité des ingrédients d'insectes à moduler la réponse immunitaire des crevettes. La mortalité a été mesurée jusqu'à 12 jours après l'inoculation.
Dans nos essais, l'incidence de la mortalité après le challenge a atteint 63 % à 70 % dans le groupe CTRL. Dans les groupes d'insectes, l'incidence de mortalité observée est généralement retardée. De manière également intéressante, une tendance à la diminution de la mortalité est observée, aux taux d'inclusion les plus élevés de la farine de BSF, ainsi que dans le groupe où la substitution a été réalisée avec des larves séchées entières (sans délipidation). En réalité, la mortalité mesurée peut rester en dessous de 50 %, se limitant même à 38 % dans un des essais réalisé avec des larves séchées entières (différence statistiquement significative).
Sur la base de ces tendances prometteuses, nous pouvons conclure que l'inclusion de farine de BSF ou de larves déshydratées a le potentiel d'améliorer la résistance des crevettes à certains agents pathogènes. En particulier, pour protéger les crevettes contre l'AHPND-EMS.
Trois composants ont été identifiés dans la littérature, expliquant potentiellement ces effets sur la santé : la chitine, l'acide laurique et les peptides antimicrobiens (Gasco et al., 2018). Bien qu'il soit intéressant d'étudier les modes d'action, le prochain défi à relever porte sur l'intégration économique de ces bénéfices pour la santé (en plus des avantages environnementaux), dans la chaîne de valeur de l'industrie des crevettes.
Remerciements :
- À Evelien DE SWAEF et João DANTAS LIMA (IMAQUA), Luis GERARDO SISCO ALLEN et Anne-Charlotte BOUTET (VEOLIA ÉQUATEUR), Jose ALFREDO AVILA (DRINZO S.A.), Fabio SOLLER (BIOMAR)
- Au soutien financier de VEOLIA et à la subvention française FASEP (Fonds d'Études et d'aide au Secteur Privé)
Références disponibles sur demande.