28 janvier 2025

Evaluation environnementale de la Bioconversion par les insectes : tendances et leviers d’optimisation.

Entreprise engagée dans l’atténuation du changement climatique, MUTATEC a réalisé en 2022 une première évaluation d’émissions de gaz à effet de serre GES (1), par scope et catégorie d’émission, conformément au "GHG Protocol Corporate Accounting and Reporting Standard". Dans son périmètre français (Cavaillon) et équatorien (Guayaquil), les émissions totales de l’entreprise s’élevaient à 1’350 tCO2 eq.(*), dont 55% dus aux investissements et travaux réalisés (principalement achats de machines et activités de construction) pendant une période de déploiement industriel. L’étude met en avant que la consommation de gaz représenterait 24% des émissions. Un premier enjeu s’est dessiné autour de la réduction de cette consommation de gaz (propane). Par gain d'efficacité énergétique, optimisation des procédés, voire l’utilisation de sources d'énergies moins émissives (biopropane tout aussi performant, et dont les émissions sont trois fois inférieures à celles du gaz naturel).

Projetées sur l’année 2023, un calcul d’émissions évitées (**) a permis d’évaluer la pertinence des produits MUTATEC, en comparaison des ingrédients conventionnels. Ces travaux portaient néanmoins sur des volumes modestes par rapport au potentiel du site et du secteur : 200 t. de concentré protéique (ou farine) et de larves déshydratées, 70 t. d’huile et 1’000 t. de frass, fabriqués en transformant 5'000 t. de pertes alimentaires. Le facteur d’émission attribué au concentré protéique est de 2,16 kg CO2e/kg. Cette valeur se rapproche des matières premières conventionnelles telles que les farines de poissons (1,24 kg CO2e/kg) et les farines de poulet (1,170 à 4,140 kg CO2e/kg selon sources). Et est meilleure que d’autres comme le tourteau de soja (2,76 kg CO2e/kg). Le facteur d’émission des graisses d’insectes (0,86 kg CO2e/kg) est très favorable Vs. l’huile de palme (3,34 kg CO2e/kg), l’huile de poisson (1,56 kg CO2e/kg) et les graisses de poulet (1,71 kg CO2e/kg). Concernant le frass (5-4-3), le facteur d’émissions calculé est 0,19 kgCO2e/kg, donc inférieur aux engrais NPK 15-15-15 (1,03 kgCO2e/kg) et NPK 26-15-15 (1,62 kg CO2e/kg). D’un point de vue applicatif, en considérant un taux de remplacement de 3 pour 1, le frass permettrait donc d’éviter 0,46 kgCO2e/kg, en comparaison avec de l’engrais NPK (15-15-15). Enfin, les pertes alimentaires dans la région de Cavaillon sont généralement traitées en compostage (20%) et méthanisation (80%). Les émissions engendrées par le traitement d’une tonne de ces déchets organiques s’élèvent à 174,6 kgCO2e/t. de déchets. Cette même tonne traitée en Bioconversion est à l’origine de 150 kgCO2e/t., soit 24,6 kgCO2e/t. d’émissions évitées. Malgré l’absence d’économie d’échelle à ce stade, ni d’optimisation industrielle dans cette étude préliminaire de 2022-2023, les ingrédients à base d’insectes montraient déjà des résultats prometteurs par rapport aux ingrédients conventionnels. Concernant le principal produit d’intérêt sec (concentré protéique), l’optimisation des méthodes d’élevage et de la gestion climatique, comme la sélection ciblée des intrants devraient permettre de ramener le facteur d’émission en dessous de 1,00 kg CO2e/kg.

En 2023, MUTATEC a réalisé une seconde étude (1) sur un périmètre prévisionnel de 5 sites de production (2 en France, 2 en Europe du Sud, 1 en Equateur) à horizon 2032, comprenant l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise pour la production des produits. Les émissions totales s’élèvent à 49,3 ktCO2e. Les résultats obtenus confirment l’impact de la consommation de gaz, représentant 28 % des émissions. Dans ces travaux, avait été maintenue l’inclusion de coproduits céréaliers (son de blé) dans les formules d’alimentation des larves. Bien qu’envisagé comme complément au modèle technique (moins de 20% d’inclusion afin de ne pas créer de compétition avec les autres valorisations en alimentation animale), l’utilisation de ce type de matière première pèse significativement sur le bilan Carbone. En effet, 38% des émissions de GES de l’activité totale sont attribuées aux matières premières (dont 37% ou 18 247 t CO2e au seul son de blé). Bien que sous-produit de la production de farine de blé, l’impact environnemental résiduel de ce coproduit reste élevé (notamment par le jeu de l’allocation économique). Il est donc impératif de privilégier les intrants les moins émissifs (pertes alimentaires) ou certains coproduits spécifiques comme les drêches de brasserie (empreinte carbone 10 fois inférieure à celle du son de blé). Comme la première étude de 2022 l’indiquait, un tiers des émissions sont dues à l’utilisation de gaz dont une part importante pour la transformation des larves entières en concentré protéique. Enfin, parmi les allocations principales, 11% des GES sont liés au transport des produits, de la ferme de bioconversion au client utilisateur (Petfood, Aquaculture). Economie circulaire et logique territoriale apparaissent donc comme des prérequis au déploiement de systèmes de bioconversion vertueux. Le choix des intrants doit donc se porter vers les moins émissifs (faible valeur économique, peu valorisés comme les pertes alimentaires, les coproduits humides de l’industrie agro-alimentaire ou les drêches de brasserie).

L’ensemble de ces résultats a été confirmé par une étude de type Analyse de Cycle de Vie (ACV) réalisée en 2023 (2) avec le concours de VEOLIA https://www.veolia.com. En effet, dans le cadre d’une production de produits secs (concentré protéique), l’étude montre que les trois ateliers « intrants », « élevage » et « transformation » concentrent 78 % des contributions. La transformation des larves reste l’étape la plus impactante, parce qu’énergivore en raison de l’utilisation du propane à forte émission de carbone. Mais d’électricité également. Ce sont les deux indicateurs « Changement climatique » et « Utilisation des ressources fossiles » qui sont principalement concernés. Concernant les intrants, c’est une fois encore l’utilisation de son de blé en complément qui pose question, impactant notamment sur les indicateurs « utilisation des terres » et « utilisation d’eau ».

Afin de limiter les opérations de transformation (et de déshydratation en particulier), l’utilisation d’insectes frais vivants (alimentation des volailles) ou en pâte fraîche ou congelée (petfood, aquaculture) est une solution intéressante. Dans le secteur du petfood notamment, les ingrédients humides frais ou congelés peuvent substituer les coproduits d’abattoirs du type « foie de volailles/porcs », « viande séparée mécaniquement » ou « pâte de viande/slurry ». Pour les ingrédients d’insectes humides de MUTATEC, l’évaluation préliminaire donne des résultats à 0,631 kg CO2e/kg. L’optimisation concernant le choix des intrants, la gestion climatique en élevage ainsi que la révision en cours de l’allocation économique Vs. frass (évaluation initiale faite avec des positionnement prix dans la tranche élevée du marché) devrait permettre d’atteindre 0,3 à 0,4 kg CO2e/kg pour ce type d’ingrédient, niveaux pertinents pour améliorer les bilan Carbone des industriels du Petfood et de l’aquaculture.

La valorisation d’intrants humides du type pertes alimentaires et l’optimisation des consommations énergétiques (écologie industrielle, gestion climatique, étapes de transformations limitées) apparaissent donc comme les deux leviers d’optimisation de la durabilité de la bioconversion.

(1) Etudes réalisées avec CARBOMETRIX, https://carbometrix.com/fr. Les principales sources de facteurs d'émission utilisées incluent la base de données ecoinvent v3.9 (2022), la Base Carbone® de l'ADEME, la Base Impacts® de l'ADEME, BEIS/DEFRA.

(2) Etude réalisée avec i-Care https://www.i-care-consult.com. Méthode, base de données et catégories d’impact : ecoinvent V3.8, SimaPro, Méthode EF 3.0, Agribalyse 3.1

(*) Conformément au consensus scientifique, le protocole de Kyoto a reconnu 7 gaz à effet de serre (GES), qui contribuent au réchauffement climatique. Ce sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l’oxyde nitreux (N2O), les hydrofluorocarbures (HFC), les perfluorocarbures (PFC), l’hexafluorure de soufre (SF6) et le trifluorure d'azote (NF3). Le dioxyde de carbone a été choisi comme gaz de référence car il représente 75% des GES générés par l’activité humaine. Par conséquent, les émissions des autres gaz sont exprimées en équivalent de CO2 (ou CO2e), en rapportant leur pouvoir réchauffant à celui du dioxyde de carbone sur une durée de cent ans.

(**) Sont uniquement considérées les émissions liées à la chaîne de production directe : utilisation d’électricité, de gaz, achat d’intrants, transport amont.

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